Imaginez… .
Vous avez enfilé votre ciré et vos bottes. Vous sortez, prêt à affronter le vent vigoureux, d’un bord de mer agité. Vos poumons respirent ces embruns marins très forts, revitalisants. Le souffle qui vient de face, vous rafraîchit, vous décoiffe.
Je suis convaincu que la qualité fondamentale d’un grand whisky est de transcender nos sens. Il doit être capable de nous faire imaginer, de nous faire ressentir d’où il vient.
La fameuse distillerie Bunnahabhain, de la non moins mythique île d’Islay, nous en offre ici un splendide exemple.
De fortes influences insulaires.
Islay, c’est à peine 3000 habitants pour environ 620 km². En quelque sorte, un confetti. Pourtant l’île dispose du nombre de distilleries au mètre carré le plus élevé d’Ecosse.
Balayée par les bourrasques marines, son sol saturé en humidité regorge de tourbières. C’est avec cette tourbe disponible en grande quantité, que l’on procède au séchage de l’orge, qui confère au whisky local sa singulière personnalité.
Des noms magiques parsèment cette terre mythique et chérie par les amoureux de grands single malts : Ardbeg, Bowmore, Bruichladdich, Bunnahabhain, Caol Ila, Kilchoman, Lagavulin et Laphroaig.
Construite en 1881 sur une plage de galets, la distillerie Bunnahabhain a pour ainsi dire les pieds dans l’eau. L’air iodé y est donc omniprésent. Que ce soit sur ses alambics dont le cuivre se patine en réaction à l’air salé, ou lors du vieillissement en fût, durant lequel ses eaux-de-vie s’imprègnent de l’atmosphère maritime environnante.
La distillerie est connue pour produire les notes de tourbe les plus raffinées de l’île.
Cette version embouteillée par la maison de négoce Signatory Vintage, confirme tout à fait cette réputation d’élégance.
Un embouteillage sur mesure, ô combien judicieux !
Tout d’abord la robe est étonnamment pâle.
Ce single malt n’ayant subi l’ajout d’aucun colorant ou caramel (natural colour), son apparence est donc resplendissante de clarté. En bouche, aucun maquillage ne vient masquer la personnalité fraîche, nette et précise de ce modèle de finesse.
Une autre caractéristique saute immédiatement aux yeux. Le whisky est particulièrement trouble, et contient d’innombrables petites matières en suspension. D’où le nom de la gamme d’appartenance de cette réalisation : Very Cloudy.
Aucune filtration n’ayant été appliquée, l’eau-de-vie garde ainsi toutes ses matières grasses et particules plus ou moins fines, issues du fût. Avec elles, ce sont sa densité, sa typicité, sa richesse aromatique qui sont sauvegardées, pour le plus grand bonheur de nos palais.
Résultat : ce trésor de vitalité et de caractère se goûte dans son état le plus naturel possible.
Il est l’antonyme même de l’uniformité.
Une tourbe fraîche et gracieuse.
A la dégustation, on est d’emblée marqué par son côté rafraîchissant : notes d’agrumes, d’algues et de fleurs.
La tourbe arrive immédiatement, déferlante. Cette tourbe omniprésente, de l’attaque à la finale, n’est pourtant ni lourde, ni outrancière, ni écrasante. Au contraire, elle est d’une élégance folle !
La complexité de ce scotch est époustouflante. Elle surfe sur des notes à la fois rondes et opulentes (céréales, amandes grillées, miel, noisettes), mais aussi relevées (iodées et fumées).
Aucun élément ne domine les autres. L’équilibre est à mon sens remarquable.
Ses 6 ans de vieillissement en fût, en font un whisky plutôt jeune.
Cette durée de maturation maîtrisée, le préserve de notes trop boisées, et renforce ainsi son dynamisme, son éclat et sa vivacité.
Des accords gastronomiques étonnants.
Pourvu d’une large palette aromatique, ce noble spiritueux insulaire offre de magnifiques et originales possibilités d’associations culinaires.
Sa personnalité salée et affirmée, entre en harmonie parfaite avec des huîtres.
Ses notes de citron et de tourbe s’allient à merveille avec une omelette à la truite fumée.
Grâce à son expressivité et à sa fraîcheur, j’aime l’imaginer croiser le feu avec des plats épicés, comme un sauté de gambas au curry.
Un roquefort constitue également un compagnon idéal pour ce superbe digestif, à la texture un peu grasse, un peu huileuse.
Enfin, une glace à la menthe et aux pépites de chocolat, offre un contraste saisissant de gourmandise et de suavité.
Bunnahabhain 2008, 6 ans d’âge, The Un-chillfiltered Collection – Very Cloudy – par Signatory Vintage.
On vient de m’offrir ce whisky, pardon cet Islay. Pour moi, pauvre hère inculte, qui ne connaissait que des marques plus commerciales, le meilleur c’était l’Ardbeg. Celui-ci est bien meilleur, surtout plus subtil et complexe. J’ai plaisir à en sentir et siroter 1 cl plusieurs fois par jour
C’est effectivement un whisky qui évolue sans cesse et offre de nouvelles sensations olfactives et gustatives à chaque dégustation !