Le Japon au sommet du monde ? Et pourquoi pas…
Lors des World Whiskies Awards qui ont eu lieu à Londres en 2012, la société Nikka a décroché le prix du meilleur whisky blended avec son Taketsuru 17 ans d’âge.
Concernant le titre convoité de meilleur single malt de la planète, c’est également un japonais qui a raflé la mise: le Yamazaki 25 ans d’âge, réalisé par la maison Suntory. Carton plein donc pour le pays du soleil levant!
Il faut dire que le Japon fait depuis maintenant quelques années indiscutablement partie des quatre grandes nations du whisky, avec l’Écosse, l’Irlande et les États-Unis.
Pourtant l’histoire du whisky nippon est relativement récente en comparaison de celle de ses trois prestigieux challengers. Tout a commencé grâce à un homme, Masataka Taketsuru, reconnu comme étant le père du whisky nippon et devenu depuis une véritable légende dans son pays.
Issu d’une famille de producteurs de saké (il avait donc de sérieux antécédents), ce chimiste de formation part étudier l’art de la distillation en Écosse. Il y tombe amoureux d’une fille du cru, se marie et revient au pays rempli d’ambitions.
Tout comme la rencontre de l’eau et des grains est nécessaire à la création du whisky, il a fallu que le destin de deux hommes se croisent pour donner naissance à la grande aventure du malt « made in Japan ».
C’est en 1923 que Taketsuru propose ses services de distillateur à Shinjiro Torii, propriétaire d’une entreprise qui importe du scotch (le whisky écossais, pas la bande adhésive).
Ça colle tellement bien entre eux, qu’ils décident de fonder conjointement la première grande distillerie de whisky du pays: Yamazaki. La petite entreprise de Torii ne connaît pas la crise et devient plus tard le géant Suntory, qui rachète même par la suite plusieurs distilleries écossaises.
Quant à Taketsuru, il décide en 1933 de fonder sa propre distillerie à Yoichi, sa société Nikka devenant rapidement le concurrent majeur de Suntory.
Mais pourquoi sont-ils aussi bons ?
L’art japonais de la distillation repose sur une approche scientifique, particulièrement méticuleuse et exigeante.
Toutes les étapes de la fabrication du whisky sont disséquées, scrupuleusement examinées et sans cesse perfectionnées afin d’obtenir le meilleur des produits possibles.
Ces recherches et cette capacité d’adaptation permettent à une seule et même distillerie japonaise, au contraire de ses consœurs écossaises, de proposer des single malts très différents les uns des autres, aux caractéristiques olfactives et gustatives totalement hétérogènes. Là où un établissement d’Écosse est reconnu par exemple comme spécialiste des whiskies tourbés, une distillerie comme Yoichi est tout à fait capable de produire une eau-de-vie tourbée, une autre à la fois fine et dépourvue de tourbe, une autre légèrement fumée et iodée, etc…
Autre donne essentielle, le Japon présente des conditions idéales à l’élaboration et à l’élevage du whisky: l’air pur qu’on y trouve sur les bords de mer et sur les hauteurs, la grande qualité et l’abondance des eaux de source, la richesse en tourbe (notamment sur l’île Hokkaido) et l’humidité de certaines de régions si propice au vieillissement du précieux nectar en fût.
On déguste ?
Voici mes commentaires de dégustation concernant plusieurs flacons que vous pourrez trouver en boutique (sous condition de disponibilité des stocks, biensûr).
Un constat s’impose immédiatement: outre la qualité admirable et récurrente de chacun de ses grands spiritueux, c’est surtout l’incroyable variété de leurs saveurs, qui font du Japon une terre de diversité exceptionnelle pour le whisky.
Celui là est idéal pour commencer le voyage.
Excellente porté d’entrée pour l’univers du whisky nippon, il est issu d’un mélange (blend) de single malts, dont le fameux Yoichi.
Affiné en fût de bourbon, il est rond et charmeur, présente de délicieuses notes d’abricot, de fleurs et de miel. La bouche est néanmoins puissante, et présente un caractère bourré de personnalité.
Comme il s’agit d’un brut de fût, c’est à dire un whisky au degré naturel (51%), il est tout à fait possible de booster ses saveurs à l’aide de quelques gouttes d’eau. Puis remuez votre verre. Vous pourrez alors créer votre propre univers de parfums et de saveurs.
Une franche réussite pour cet assemblage de malt. Finesse, élégance, gourmandise et accessibilité sont les maîtres-mots du discours olfactif et gustatif de ce whisky o combien charmeur.
De par sa légèreté, ses notes de céréales, d’orange et de fruits confits, il accompagne avec délectation un apéritif mais constitue également un excellent digestif.
Nikka Pure Malt – Black
Légèrement tourbé, plutôt épicé, il est idéal pour l’amateur à la recherche d’un whisky onctueux, délicat mais présentant en même temps une touche relevée.
La fraîcheur est omniprésente au nez, comme en bouche, avec des notes joliment mentholées et une finale marquée par les agrumes.
Nikka Pure Malt – White
Dernier rejeton de la trilogie, c’est le plus tourbé des trois Pure Malt de chez Nikka.
Son nez cendré et fumé, sa bouche herbacée, aux tonalités médicinales, confèrent un caractère percutant à ce modèle d’équilibre et de punch.
Attention, ça déménage!
Une originalité élaborée à partir de différentes variétés de grains, dont une belle proportion de maïs.
Représentatif de la liberté et de la créativité des distillateurs japonais, ce whisky est issu de « coffey still ».
Ces alambics à colonne ont été inventés au XIXe siècle par un inspecteur des douanes irlandais, Aenas Coffey.
Rapides et permettant de produire de grosses quantités, ils sont à l’origine de l’essor extraordinaire des whiskies blends à travers le monde.
Un clin d’oeil particulièrement friand, fruité et caramélisé, à apprécier pour sa légèreté et sa générosité.
La mythique distillerie Yoichi est située sur l’île Hokkaido, au bord de la mer du Japon.
Un cadre idyllique dans lequel la maison Nikka, propriétaire de Yoichi, démontre son savoir-faire hors du commun avec ce nectar, modèle de finesse et de complexité.
Les arômes sont iodés (les fûts s’imprègnent des embruns marins environnants), subtilement tourbés, relevés par de succulentes notes de poivres et de chlorophylle.
Un whisky magnifiquement ciselé, vraiment capable de faire la queue de paon en bouche, tellement sa palette gustative est riche et expressive.
Une perle rare!
Ce single malt, vieilli 12 ans en fût de sherry, est le résultat d’un assemblage de lots distillés en 1999 et 2000.
Ces 2 millésimes correspondent aux 2 dernières années de production de cette mythique distillerie créée en 1955 et qui a désormais fermé ses portes.
Situé près de Nagano et du Mont Asama, en plein cœur des Alpes japonaises, cet établissement a produit des whiskies réputés pour leur incomparable pureté et aujourd’hui très recherchés par les amateurs du monde entier.
Le nectar se révèle plein de suavité, la bouche emplie de superbes notes de rancio, de chocolat, d’épices et de cuir.